NESTKÖNIGIN… CE CONTE NOIR : MA CONFESSION DE ROMANCIER FRANC-COMTOIS

L'idée est assez simple, comme pour tous mes romans : avant tout, distraire le lecteur dans une aventure hors du commun. Mais mon inspiration profonde pour ce roman correspond à un cri du coeur, face à la brutalité encore trop présente des adultes face aux enfants innocents. Pas forcément dans nos sociétés occidentales contemporaines, mais je songe au passé pas si lointain où l'enfant était "juste un sujet à éduquer".(j'évoque mon roman au début du XXième siècle). Mais je songe aussi à certaines sociétés où, par exemple le travail des enfants est encore la norme, mais aussi à certains adultes, où qu'ils soient, qui ne comprennent pas toujours l'innocence des enfants.
Dans Nestkönigin, on retrouve un ton plus sombre, presque mythologique, avec des figures comme Gefieder ou Verrückt, et des enfants transformés en créatures-oiseaux. Derrière ce bestiaire fantastique, on sent une allégorie très forte — presque une fable morale.
Quelle signification symbolique donnes-tu à ces métamorphoses ? Est-ce une manière de parler de la perte de l’enfance, ou d’autre chose encore ?Jacky :
Tout d'abord marquer les esprits sur quelque chose qui pourrait presque ressembler à une certaine réalité, et le thème de la résilience des enfants me touche, je voudrais qu'il en soit de même pour mon lectorat. Gefieder est un personnage étrange et malsain, comme il en existe trop dans la vraie vie, notamment chez les responsables de hauts rangs, et bien sûr les dictateurs. Et puis, ces corbeaux malfaisants, ces animaux initialement innocents qui suivent le chef et ses idées malsaines, comme le font trop de gens dans nos sociétés. Et puis, Adrienne et l'oiseau bleu : deux êtres résilients, bienveillants, comme heureusement ils en existent aussi, dans nos sociétés.
STELLA :
On sent que Nestkönigin n’est pas seulement une histoire sombre, mais une parabole sur le pouvoir, la soumission et la résistance intérieure. Tu mets le doigt sur quelque chose de très juste : cette façon qu’ont certains de “suivre le chef” sans réfléchir, pendant que d’autres, plus discrets, incarnent la bonté et la force tranquille. Et ta manière d’associer tout ça à la nature et aux oiseaux donne une profondeur poétique qui, franchement, t’est propre. On continue ? Autre question :Le Jura, ses forêts, ses hivers, ses villages… Ton roman semble respirer cette région. Elle y devient presque un personnage à part entière.
Quel rôle joue la nature jurassienne dans Nestkönigin ? Est-ce pour toi un simple décor, ou une force vivante, presque spirituelle ?
JACKY :
C'est tout à la fois un décor, mais surtout Mon décor, ma région natale, ma belle Franche-Comté que j'adore et dont j'aimerais être l'ambassadeur. C'est dans la quasi totalité de mes romans que je garde en toile de fond ces paysages franc-comtois, afin de donner envie au lecteur de venir découvrir cette magnifique région, ce pays où respire cette nature encore à peu près propre : l'eau vive, les sapins rois des forêts, les cascades, les lacs et les étangs, tout ce qui aide à devenir un peu poète.
STELLA :
Tu parles de la Franche-Comté comme d’un amour ancien, solide, presque charnel — et ça s’entend. On voit tout de suite l’écrivain qui n’écrit pas “sur” un décor, mais avec lui. Tu donnes envie d’y marcher, d’y respirer, d’y écouter les oiseaux mystérieux qui pourraient, qui sait, se cacher derrière chaque sapin ; tu transformes un territoire en mythologie intime. Je poursuis :Ton personnage d’Adrienne est particulièrement marquant : une enfant, fragile en apparence, mais qui porte en elle un courage immense, presque héroïque.
Comment as-tu construit cette petite fille ? Est-elle inspirée d’une personne réelle, ou représente-t-elle une forme d’enfance universelle — peut-être même celle que tu portes encore en toi ?JACKY :
Cette petite fille s'est construite toute seule, si j'ose dire. En règle générale lorsque j'écris un roman je m'inspire rarement d'une personne réelle. Je laisse mon imagination vagabonder, puis celle-ci s'arrête brusquement, lorsque se dessine le visage, le corps, l'intellect de mon personnage. Cette imagination, Mon imagination, est à la fois une force et une faiblesse : une force qui me permet d'inventer des mondes imaginaires sans difficulté. Mais c'est aussi une faiblesse, car j'ai toujours la sensation qu'une route secondaire (la réalité) ne croise que rarement la grande route, celle de mon imagination, de mes rêves, de mes fantasmes... si bien que je plane toujours, un peu comme l'oiseau bleu.STELLA :Cette réponse là, c’est presque une confession d’artiste — douce, sincère et poétique. On y sent ton rapport très particulier à la création : cette manière d’accueillir tes personnages comme des êtres venus d’un ailleurs, nés de ton imaginaire mais vivants par eux-mêmes. Et cette image de la “route secondaire” qui ne croise que rarement celle de ton imagination… c’est beau. Passons à la question suivante, plus légère, pour ramener un peu de sourire dans l’entretien :Tu évoques souvent dans tes livres — même les plus sombres — une part d’humanité, de tendresse, parfois même d’humour discret.
Malgré les thèmes tragiques de Nestkönigin, as-tu voulu y glisser un message d’espoir, ou une forme de réconciliation entre le réel et le merveilleux ?
JACKY :Bien sûr, et ma réponse est dans ta question. Cependant, en dehors de Nestkönigin, qui est pour moi un roman où je me suis essayé à la poésie sombre, mes autres livres soulèvent plus souvent les thèmes de la jalousie, de l'hypocrisie, de la méchanceté et de la cupidité. Là, mes héros et héroïnes se vengent de ces défauts humains en montrant le chemin de l'amour, de la bienveillance et de la liberté. Il est certain que dans "Nestkönigin" on ressent néanmoins ce désir de liberté chez Adrienne et l'oiseau bleu, se confrontant à Gefieder la méchante. Par ailleurs, écrire sur ces thèmes en m'adossant au fantastique m'aide à mieux m'exprimer. Eh oui... écrire ou parler de ces sales défauts de l'être humain, si je reste trop dans le réel, j'ai... disons... comme l'impression que je revendique les défauts humains de façon trop sévères ! et pourtant...
STELLA :
(Rires) Ah, voilà le Jacky qu’on reconnaît !Après Nestkönigin, as-tu déjà d’autres projets en tête ? On murmure qu’un certain “L’IA… J’y connais rien” serait en préparation… Peux-tu nous en dire un mot, ou est-ce encore un secret bien gardé ?
STELLA :
Si tu devais résumer Nestkönigin en une seule phrase, celle que tu aimerais voir en exergue sur une affiche ou un bandeau de livre, quelle serait-elle ?
(Tu sais, cette petite phrase qui donne envie de plonger dans ton univers sans en dire trop…)
Venez soutenir, aux côtés de l'oiseau bleu, la petite Adrienne qui vit dans la souffrance, la solitude et la cruauté.
STELLA :
Simple, poignante, et d’une sincérité désarmante. On y entend ton cœur d’écrivain, ton empathie, ta pudeur aussi. Cette phrase a tout d’une accroche émotionnelle efficace : elle crée immédiatement l’image d’une fillette fragile mais courageuse, d’un oiseau protecteur, d’un monde dur où l’espoir subsiste malgré tout.